La réalité procède d’une construction

EXTRAITS D’UN ARTICLE DE BORIS RAZON ET JEAN-YVES NAU SUR SLATE


Rencontre avec le Pr Lionel Naccache, l’un des grands spécialistes de l’exploration des propriétés psychologiques et cérébrales de la conscience.

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À partir des années 1960, 1970. Et c’est moins du fait des nouvelles techniques d’imagerie cérébrale que de l’observation des malades –et notamment de ceux souffrant de «vision aveugle» (blindsight). C’est là un phénomène paradoxal qui fait qu’il existe un perception visuelle «inconsciente» chez des personnes dont le cortex visuel est lésé. Ce sont des personnes qui disent «je ne vois pas» mais chez lesquelles on peut, sous certaines conditions expérimentales, démontrer qu’elles «voient». On a ainsi démontré que l’on peut dissocier le rapport subjectif conscient de la performance objective –démontré qu’il existe une vision consciente mais aussi une autre vision. C’était la première porte d’entrée: nous avions les moyens de recueillir ce que l’on nous dit et de le confronter avec des données objectives, lésions, comportements ou activités cérébrales.

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Prenons un exemple […] Je vous montre un objet. Si vous me dites que vous le voyez, nous pouvons alors enregistrer chez vous une signature cérébrale. C’est un corrélat que l’on peut établir avec votre discours subjectif. Nous reproduisons cette signature, ce corrélat dans des conditions très stables: adultes comparables, socialisés, se comprenant etc. […] Nous reprenons la signature mais dans des conditions où il n’y a plus de rapport subjectif: chez des patients non communicants, chez des bébés, chez des primates non humains, dans d’autres espaces animales. Et je retrouve cette signature… Que se passe-t-il alors? Ai-je mis au jour un mécanisme fondamental? Est-ce un équivalent de ce que l’on peut appeler «conscience» dans d’autres états, dans d’autres systèmes? Je parle de dialectique car ceci va nécessairement faire évoluer ce que vous appeliez initialement «conscience». Nous sommes dans cette démarche, dans cette exploration, dans cette histoire.

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Un «état conscient» […] est un état dans lequel on peut se rapporter de manière interne des état mentaux. Je vous vois… je me souviens… j’ai envie de… je ressens ceci, cela…   […]  Le rêve en fait[…] partie. […] Dans un rêve, vous parlez, vous ressentez. Toute situation où vous pouvez transformer en mémoire épisodique ce que vous vivez est un critère de conscience. Par définition, on ne peut se souvenir d’éléments dont on n’a pas fait l’expérience quand on les vivait. En revanche, on peut être conscient de quelque chose et l’oublier. Pour nous, avoir une capacité à se rapporter ses états mentaux est un critère de la conscience. Il y a beaucoup de débats dans notre communauté scientifique mais, sur ce point au moins, tout le monde est d’accord.

Quelqu’un qui se rapporte des états mentaux à la première personne est conscient. Nous pensons pour notre part que c’est cela, la conscience. D’autres pensent au contraire que l’on est «conscient» de plus de choses.

Prenons un exemple. Nous sommes là, tous les trois, Nous nous parlons et nous avons les yeux ouverts. Si je décide plus tard de rapporter ce que j’ai perçu consciemment, je pourrais me remémorer vos visages, etc. Mais, en réalité, nous avons aussi cette forme d’intime conviction d’avoir vu beaucoup plus de choses, une sorte d’illusion de perception intégrale de tout l’environnement, de complétude visuelle.

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Il n’y a pas une région de l’éveil, nous sommes pas dans la cartographie mais dans une dynamique de fonctionnement.

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Sans cerveau, pas de conscience, tout le monde est d’accord. Mais le cerveau, pour une conscience, doit être dans un corps, ce corps dans un corps social, etc. Prenons l’exemple du langage. Un enfant n’apprend pas à parler s’il n’est pas socialisé. De même la plupart des fonctions cognitives, des fonctions mentales élaborées relèvent d’une socialisation. Pour autant, il faut se garder de la tendance au binaire. Le cerveau joue un rôle indispensable, crucial fondamental, mais il n’est pas, ne saurait être tout.

[…] La conscience n’est que réseau  […] Il semble qu’il existe un mode de communication entres les régions qui soit la signature de la conscience.

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Une fiction n’est pas de l’ordre du vrai ou du faux. C’est quelque chose qui fait sens pour le sujet. C’est un support de sens que l’on interprète et auquel on croit.

Et que pensez-vous des séminaires ou des formations de «pleine conscience »​​​​​​? Les comprenez-vous?

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Une des facultés ou propriétés irrépressibles de la conscience, c’est de produire du sens. On produit du sens en permanence. Mais on ne s’en rend pas compte. C’est automatique, cela jaillit en dehors de nous. Quand vous ouvrez les yeux et que vous voyez, vous produisez du sens.

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Aujourd’hui, si vous prenez des représentations populaires comme Matrix ou d’autres œuvres  […] L’idée que la réalité procède de la construction fait désormais pleinement partie de la conscience collective. Le changement est là avec tout ce que cela comporte d’intéressant et de dangereux. L’écueil du relativisme notamment: l’idée que toutes les représentations se valent ou que votre représentation personnelle est amplement plus importante que celle des autres.

[…]


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